Les bienfaits du deuil : de la survie à la vie
Toute souffrance psychologique est révélatrice d’un deuil non fait, selon Roméo COURNAL, formateur en Neurosciences. Lorsque nous n’avons pas totalement fait le deuil d’une situation, d’une expérience, cela s’appelle un trauma. Faire le deuil ne se limite pas à la mort d’une personne, il se pose aussi bien lors d’une séparation qu’un déménagement, la perte d’un travail, d’un lieu, d’une habitude, la perte de temps… Dans cet article extrait de La Sagesse du Deuil nous verrons que faire le deuil va bien au-delà du lâcher prise, de l’acceptation ou de la résilience. De notre capacité à bien faire nos deuils dépend qui l’on devient, les obstacles que l’on rencontre, notre condition physique…vous l’aurez compris, c’est vital :

Nous pourrions observer nos expériences de vie comme les wagons d’un train, des espaces dans lesquels nous entrons puis sortons. Ce que nous ignorons, précise Roméo, ce sont les circonstances. « Quelque soit la façon dont on quitte un espace, il convient de se rappeler qu’il était bien question de le quitter, c’est dans l’ordre naturel des choses ». Lorsqu’un deuil n’est pas complété, nous poursuivons notre vie affaiblis, morcelés, des parties de nous restant bloquées dans les wagons précédents. Un événement nous a conduit de gré ou de force hors d’un espace, et nous n’avons pas été en mesure de libérer entièrement la charge des émotions que nous avons éprouvée à cet instant. En conséquence, notre corps compense en modifiant notre biochimie, emprunte des mécanismes de survie qui deviennent des comportements et, à la longue, façonnent notre personnalité.
S’identifier à quelque chose d’extérieur à Soi, c’est s’exposer à souffrir.
Tout part du phénomène d’identification, comme nous l’explique Roméo COURNAL, en se basant sur les nombreux cas rencontrés dans sa pratique thérapeutique :
« J’ai vécu un drame dans mon passé. Et, évidemment j’ai construit ma vie autour de ça, car je n’ai pas fait le deuil de cet événement qui a teinté et impacté tous les espaces dans lesquels j’ai évolué. Je me suis identifié à l’expérience vécue : c’est là que se crée le conflit neuro-émotionnel, car aucune forme de vie n’aime mourir. Si je m’identifie par exemple à « je me suis fait violer à l’âge de 4 ans », la chose qui me terrifie le plus, en vérité, c’est de ne plus avoir été violé.e à l’âge de 4 ans. Et comme vous ne pouvez pas vous débarrasser de l’événement, vous aurez peur de ressentir l’émotion correspondante, pourtant c’est la seule façon de s’en libérer. »

Ici commence le cycle biologique infernal du trauma, qui se rejouent sans cesse, aggravant la manifestation des réponses de stress. Nos réactions sont hors de contrôle. « Si le travail thérapeutique de deuil n’est pas fait, si je ne me sers pas, à un moment, de ce qui m’est arrivé pour grandir, je m’en sers obligatoirement pour souffrir. Volontairement ou non, consciemment ou inconsciemment, ce n’est pas la question. Je vais bâtir ma vie, et donc la personnalité de celui ou celle qui a vécu cela, en manifestant les troubles suivants : perturbation, anxiété, hypervigilance, aliénation, et sentiment d’impuissance ».
Si je ne me sers pas de ce qui m’est arrivé pour grandir,
je m’en sers obligatoirement pour souffrir.
Comment les deuils non faits nous conduisent à mener une vie qui n’est pas la nôtre ? Roméo l’illustre très bien par cet exemple :
« Rappelons-nous que le cerveau est un système homéostatique. Disons que j’ai vécu cette expérience à 4 ans, et qu’aujourd’hui j’ai 44 ans. J’en suis donc à mon 11ème cycle biologique de ce trauma. Ma personnalité s’est créée là-dessus. Si je suis en vie à 44 ans, c’est parce que mon cerveau fait en sorte qu’aujourd’hui ressemble à hier. Cela fait 40 ans que je vis par le fait que…(j’ai été violé.e, par exemple). Cela fait 40 ans que je vis comme ça, ou plutôt que je survis. Si je me retrouve en démarche, face à un thérapeute, ma vie de demain, et donc « moi » demain, ne sera pas le « moi » d’hier, car je vais quitter cet espace que j’habite depuis 40 ans, ce personnage qui n’est pas mon « moi authentique ». Vous pensez bien que votre système nerveux va vouloir y résister ! Il n’en n’a pas envie, lui, puisqu’il est certain de vous maintenir en vie de cette façon, comme il le fait depuis 40 ans.
Dans le processus de deuil, il y a une vraie angoisse de mort identitaire :
– Si je ne suis pas la personnalité qui s’est construite sur ce drame, qui suis-je ?
– Si j’enlève « ça », ma vie va tourner autour de quoi ?
Je vais quitter cet espace que j’habite depuis 40 ans,
ce personnage qui n’est pas mon « moi authentique ».
Une émotion ressentie déclenche deux types de réponses dans notre corps : le stress ou la relaxation. Face à un stress, notre système nerveux va adopter l’agressivité, la fuite ou bien l’anesthésie. « C’est pour cela qu’il est fondamental d’avoir cette aisance et cette sagesse du deuil, parce que précisément, quand je vois arriver l’émotion qui me crispe, je vais être en capacité de conserver mes fascias relaxés. Si je me fige, c’est là que la catastrophe arrive ».

Mais le processus de deuil ne consiste pas à se débarrasser d’émotions dites « négatives ». C’est une démarche d’éveil à soi, d’individuation, de réunification de soi. Si vous avez vécu des choses douloureuses dans le passé, vous devez vraiment avoir en tête que vous êtes censé quitter un espace dans lequel vous vivez une forte intensité émotionnelle. Tellement forte qu’en réalité elle peut être inconsciente. C’est elle qu’il faut aller chercher, car c’est elle qui dirige votre vie.
Les émotions qui agissent le plus dans nos vies sont les émotions que nous ne ressentons pas. On appelle cela des « sensations non-ressenties ».
Tout deuil nous fait traverser une série d’émotions intenses, que nous décrit Roméo :
1. SIDÉRATION : Nous n’étions pas préparés à quitter cet espace ! Il s’est passé quelque chose et je sais que je vais en subir les répercussions. Dans la SURPRISE il y a de la TERREUR, qui se répercute dans notre tissu osseux (un tissu conjonctif qui réagit aux vibrations du son). Lorsqu’on est surpris on ne peut ni se battre, ni fuir. La réponse comportementale qui en découle est le déni.
2. DÉNI : « Ça ne devrait pas se passer comme ça » ou même « Ce n’est pas arrivé ».
3. COLERE : « Je repousse ça loin de moi, c’est pas là, c’est pas pour moi ». Ne pas se laisser traverser par la colère lorsqu’elle est présente peut avoir de graves conséquences comportementales comme l’agressivité sexuelle, les crimes passionnels… Comme j’ai un système de survie à nourrir, je vais transférer psychologiquement ma colère sur d’autres personnes.
4. DÉGOÛT : La métabolisation commence. Malgré ma résistance, c’est déjà rentré à l’intérieur de moi. Le dégout va affecter mon péritoine « Je ne l’ai pas avalée celle là, je n’ai pas digérée » (Notez que cela peut aller jusqu’à créer l’endométriose).
5. TRISTESSE : On prend acte que c’est fini, qu’il n’y aura plus. La tristesse va figer notre plèvre, affectant nos poumons, alors que le chagrin va plutôt toucher le péricarde et compresser le coeur. Nous ressentons des palpitations, des sensations d’oppressions. L’antidote est d’aller rechercher un état d’ouverture de coeur où, biologiquement, l’oxyde nitrique va dilater les vaisseaux, les fascias vont se détendre, et laisser la place à l’organe pour fonctionner normalement. C’est ce que l’on vit en méditation, dans un abandon complet. Mais la tristesse est une excellente nouvelle, car elle signifie que votre corps, lui, est prêt à passer à autre chose. A cette étape, il convient de laisser le corps gérer…

Pour Roméo COURNAL, praticien en thérapies brèves, faire le deuil ne consiste pas à sortir de la tristesse pour passer à une acceptation, mais à un choix ! « C’est là où beaucoup se trompent. On n’a pas fini le deuil tant qu’on ne voit pas la merveille de ce qui nous est arrivé. En Neurosciences, la liberté est la capacité à mettre une émotion agréable sur une expérience désagréable, même si cela paraît scandaleux, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Je ne dois ma guérison qu’à cette capacité que j’ai de m’abandonner au vide jusque dans ma réalité biologique, même si j’ai l’impression que je vais mourir. Cela pourrait paraître contradictoire, mais s’abandonner au vide donne une plus grande conscience de la matière. Je sais, non plus qui je suis, mais je sais que je suis. »
Être acteur de nos deuils, en somme, c’est se permettre de voyager en 1ère classe 🙂
Merci à tous les accompagnants formés au processus de deuil, qui sont d’une aide précieuse pour renaître à nous-même sans avoir besoin de quitter le train !
Estelle GALPAROLI, d’après les enseignements de Roméo COURNAL.
Tu auras fait le deuil quand tu te seras abandonné au vide des réponses.
La Sagesse du Deuil est disponible sur Suneva TV :




merci pour ce partage et cette offre,
oui, réaliser nos deuils nous amène inéluctablement à notre propre éphémérité,
Ose regarder en face la beauté de notre vie dans la certitude de notre disparition,
un chemin d’envergure, escarpé ?
un choix,
Véronique Briqué
Thérapeute spécialisée AVTS GMTS
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