Esprit d’Expert #3 : Philippe VIDAL, réalisateur de films d’animation
« Esprit d’Expert » est une série d’entrevues créée par Suneva qui recueille le témoignage d’experts en différents domaines. Ils ont en commun la notion d’esprit qu’ils intègrent consciemment dans leur activité. Mais qu’est-ce que l’esprit? Chacun l’exprimera à sa manière! Ils nous montrent en tous cas qu’il y a de multiples façons très concrètes d’allier lumière et matière, d’en exprimer la synthèse dans notre monde sans s’enfermer dans l’un ou l’autre de ces concepts. Alors que nous assistons à l’effondrement d’un modèle de société, Suneva donne la parole à des acteurs du changement pour nous inspirer, démontrer par leur exemple qu’il existe des voies, des solutions tangibles pour mettre en place un nouveau paradigme.
« Le fait que chacun se raccorde à la même source d’inspiration semble me prouver que nous sommes tous liés à un seul et même esprit. »
« Regarder les données d’un problème de façon différente aide à limiter les ulcères et à transformer les obstacles en positif. »
« Mon but est qu’ils s’épanouissent dans mon projet autant que moi. »
Philippe VIDAL, réalisateur (Paris)
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SUNEVA – Dans quel domaine êtes-vous un expert aujourd’hui ?
Philippe VIDAL – Je suis expert en réalisation de films d’animation.
S – Qu’est-ce qui vous a amené à emprunter cette voie ?
PV – C’est l’histoire d’une vocation née de l’impact de ma première séance de dessin animé au Grand Rex, en allant voir « Dumbo ». J’avais 3 ans. En sortant de la projection, je voulais devenir Walt Disney. Je n’ai jamais dévié de ma trajectoire depuis, à croire que ce lâcher prise a ouvert bien des portes.
S – Qu’est-ce qui vous « nourrit » dans votre activité ?
PV – Mon travail consiste à raconter des histoires, d’une part, mais aussi à accompagner entre 120 et 240 personnes dans mon imaginaire. C’est donc avant tout une aventure humaine, où j’essaie d’aider les gens à donner le maximum de ce qu’ils ont à offrir dans un contexte donné. Mon but est qu’ils s’épanouissent dans mon projet autant que moi. Je trouve du plaisir à échanger avec eux.
S – Quelle définition personnelle avez-vous de « l’esprit » ?
PV – L’esprit, c’est la source. Les druides apportent une importance capitale à l’expression artistique, car c’est l’expression la plus pure de ce qui se trouve de l’autre côté des voiles.
On le voit en travaillant sur une production, du reste : quand je demande à 27 scénaristes de me donner des projets d’histoire, immanquablement je vais récolter en fin de première semaine un nombre impressionnant d’histoires similaires, quasiment identiques tant au niveau du concept qu’au niveau de la syntaxe. On appelle cela l’autoroute des idées, mais le fait que chacun se raccorde à la même source d’inspiration semble me prouver que nous sommes tous liés à un seul et même esprit. Dans son ouvrage « The book of Merlyn » T.H. WHITE nous parle de la société des fourmis qui sont unies par une seule et unique pensée qui résonne dans leur tête et leur commande leur moindre action. Contrairement aux apparences, je pense que notre liberté individuelle n’est qu’une forme d’illusion, et que nous faisons partie d’une seule et même colonie de pensée, que je qualifierai d’esprit.
S – Comment parvenez-vous à insuffler de l’esprit dans votre activité, votre entreprise, votre équipe, vos projets ?
PV – Je n’ai pas à insuffler l’esprit à un projet, puisque chaque projet est mu à la base par un esprit. Le reste suit en parfaite conséquence.
S – Quels sont les principaux obstacles que vous avez rencontrés ?
PV – Les obstacles surviennent quand les institutions de télévision mettent des barrages à tel ou tel sujet. Les histoires de budget très élevés dans ma profession sont d’autres obstacles aussi. Mon métier n’est ni gratuit ni le moins cher du marché. Une simple production implique un investissement d’environ 8 millions d’euros, donc il s’agit de marcher sur des œufs.
S – Quelles solutions avez-vous trouvé pour contourner ces obstacles ?
PV – La meilleure façon de contourner un obstacle et de mettre son ego à terre est de prendre la contrainte comme une donnée de base de la fabrication. Cela implique non pas de la contourner, mais d’en faire un élément clef de la narration ou du sujet à aborder. Il suffit juste de positiver l’obstacle.
S – Quels sont les bénéfices de cette prise de conscience et des décisions qui en ont découlé ?
PV – On arrive ainsi à rendre accessible la production et à établir une confiance indélébile avec le diffuseur.
S – Une leçon à retenir et qui pourrait servir à d’autres ?
PV – S’il y a une leçon à retenir : lâcher prise et positiver les challenges. Rien ne sert de se battre contre des moulins à vent, mais regarder les données d’un problème de façon différente aide à limiter les ulcères et à transformer les obstacles en positif.
S – Aujourd’hui, que souhaitez-vous offrir au monde ?
PV – Le monde a besoin de rêver, et quoi de mieux qu’une belle histoire…
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Philippe VIDAL réalise (entre autres) les dessins animés « Garfield » et « Boule et Bill ».
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