Du déséquilibre naît l’équilibre – Sylvie Casabella

« Sur cette voie, où nous cherchons à faire jaillir le sens, le curseur de la balance interne a donc intérêt à être ramené plus au centre. Mais cela n’a rien à voir avec des plateaux idéalement équilibrés qui ne bougeraient plus… C’est le piège tendu par l’idéal qui recherche toujours une stabilité parfaite où tout serait maîtrisé, à l’abri des aléas de la vie, en dehors des hauts et des bas, un peu comme un encéphalogramme plat…

C’est donc la mort que cet idéal recherche sans se l’avouer. Le rien. C’est une façon pour l’imaginaire de se vouloir ainsi à l’abri de la vie et des engagements que celle-ci exige. Pour s’en libérer, il tente alors de revenir à un état inorganique en oubliant superbement le principe de réalité bien effectif de l’incarnation.

C’est un danger bien réel de tenter de tout bloquer par le « rien ». Cela peut survenir par exemple quand on cherche à équilibrer une tendance laxiste au « tout tout de suite ». En réalité, ce sont les deux facettes d’un même symptôme, un monstre à deux têtes qui donne des personnalités contrôlantes et laxistes, avec une dominante d’un côté ou de l’autre. Cependant, chez la personnalité contrôlante, qui cherche à tout maîtriser, il y aura toujours un endroit où apparaîtra du laxisme, et réciproquement pour la dominante laxiste. Pourquoi ? Parce que ces deux extrêmes sont fâchés avec le principe de réalité, lié ici à la temporalité, et qu’il y aura nécessairement la recherche d’un nouvel équilibre d’un côté ou de l’autre quand la tension sera trop forte. Alors elles se répondront en inversant les positions au lieu de s’harmoniser vers une direction commune qui est la proposition de la sublimation.

Soyez certains que, si un symptôme se manifeste, il y a toujours une tension oppositionnelle, même si elle n’est pas immédiatement perceptible. Il est utile de l’identifier en y prenant le temps nécessaire. Ainsi nous rencontrerons toujours les deux plateaux de notre balance intérieure en fort déséquilibre dans une situation symptomatique. Quelque soit la double face qui se manifeste, il y en aura toujours deux, apparemment contradictoires.

C’est pourquoi, lorsque nous vivons une tension intérieure, nous avons intérêt à identifier et nommer les deux tendances qui vont d’abord apparaître inconciliables, comme dans le cas du « tout tout de suite » ou du « j’ai tout mon temps ». Pourtant, elles ne sont des contradictoires que lorsqu’elles sont isolées en deux propositions alternatives : l’une ou l’autre, et que nous ne les nommons pas encore à l’oeuvre l’une avec l’autre. C’est une étape incontournable pour pouvoir évoluer ensuite des contradictoires aux contraires : de l’opposition à la conjonction, en observant les compléments de sens qui éclairent une situation pour un nouvel équilibre.

Nous en avons un exemple avec Métis et Thémis dans le panthéon Grec, dont les noms ne se contentent pas de s’associer et de nous interpeller par un habile jeu des sonorités. Elles s’harmonisent surtout quant à leurs fonctions de décision et de justice… Pourtant il leur arrive aussi d’entrer en conflit dans nos vies. Alors, essayons de voir ce qu’elles nous racontent et ce que nous pouvons entendre de leur enseignement sur notre chemin d’harmonisation :

Quand Métis est l’intelligence subtile, l’autre, Thémis, est le droit rationnel, dura lex sed lex, la loi est dure mais c’est la loi. Si elles s’ignorent, c’est une série de difficultés qui s’annonce : par exemple, l’intelligence pourrait essayer de manipuler pour obtenir ce qu’elle veut de la loi ; la loi a contrario pourrait tenter de passer en force sans tenir compte de l’adhésion de l’intelligence. Laxiste « ou » contrôlante, nous y revoici… Pourtant elles s’équilibrent quand chacune cesse d’oeuvrer pour elle seule et tient compte de l’autre. Quand du « ou » il y a passage au « et ». L’un n’empêche pas l’autre, ce qui est pourtant notre terreur inconsciente, la plus archaïque, qui nous pousse à rejeter l’altérité comme un danger de mise à mort…de notre mauvais narcissisme.

Évidemment, il existe un bon narcissisme, celui de l’enfant en bonne santé à l’intérieur de nous qui est attentif à son bien-être en priorité, ce qui est sain, « et » qui sait aussi se tourner vers l’autre quand ses besoins fondamentaux ont été d’abord assurés. Il a intégré que l’un n’empêche pas l’autre, que l’autre n’empêche pas l’un et que les deux s’équilibrent. Ainsi Métis et Thémis s’équilibrent-elles en se complétant comme une main gauche et une main droite, un féminin et un masculin de l’être, une élaboration qui précède une prise de décision dans un équilibre harmonieux de l’intelligence liée à la rationalité de la loi. »

Sylvie CASABELLA
Extrait de son livre Guérir son âme (éditions le Lys Bleu)

2 commentaires sur “Du déséquilibre naît l’équilibre – Sylvie Casabella

  1. Bonjour, merci pour cet article que je trouve clair et fondamental en cela qu’il parle d’une grande Loi, celle des polarités opposées et complémentaires que sont les Principes Yin et Yang, en Tout,
    L’apogée du Yin bascule instantanément, dans son déclin rythmé, pour s’ouvrir à la naissance du Principe Yang, depuis l’aube jusqu’à la nuit. et inversement, et ainsi de suite, de façon permanente dans l’impermanence de cette danse.
    Oser cette danse en Soi me parait également l’oeuvre essentielle du Cheminement du Vivant.
    Véronique

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