Un pardon moderne, adapté à qui nous sommes – Olivier CLERC

« Le pardon, c’est comme les mots amour, liberté, ou vérité : des mots que l’on emploie tous, mais quand on creuse un peu, on se rend compte qu’on n’est pas deux à en avoir la même définition. Pour nous, occidentaux au 21ème siècle, ça veut dire quoi le pardon? Tel que les religions le présentent, le pardon ne convient pas à ceux qui ont leur propre spiritualité ou qui sont dans une démarche de développement personnel. Ils ne pensent pas en avoir besoin et le rejettent. En réalité, je ne pense pas que ce soit la solution. Pour moi c’est une notion fondamentale, et je comprends très bien que l’on puisse se dire : « Pratiqué ainsi, le pardon ne me convient pas ». Mais alors il faut s’en faire une définition, une pratique moderne, et aujourd’hui on a beaucoup d’outils pour cela. Moi je propose une manière de cheminer vers le pardon qui est en accord avec ce que l’on est aujourd’hui.

Les personnes qui viennent à mes événements (qu’ils soient juifs, chrétiens ou musulmans, bouddhistes, athées ou agnostiques) peuvent intégrer ce travail à leur philosophie, à leurs croyances, il n’y a pas d’incompatibilité. C’est une approche qui ne nécessite pas l’adhésion à une doctrine ou un dogme. Le pardon guérit les blessures du coeur, comme le corps guérit de ses blessures physiques, peu importe notre orientation spirituelle. Le fait d’adhérer à une religion n’est pas une condition indispensable pour cheminer vers cette guérison. Ceux qui se débarrassent du pardon se retrouvent souvent dans un no man’s land. Certains psys vont leur dire qu’ils n’ont pas besoin de cela, que ce qui est important c’est l’estime de soi, le lâcher prise, l’acceptation… mais finalement aucun de ces mots ne va permettre d’obtenir le même niveau de guérison que le pardon.

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Le pardon, on le fait d’abord pour soi. Des gens disent « Ah non! Jamais je ne lui ferai ce cadeau là. » Ce qui revient à dire : « Je vais rester dans ma haine, dans ma souffrance, continuer d’être triste, malheureux etc… pour l’embêter ». Ce qui est grotesque. Le pardon c’est d’abord un cadeau que je me fais à moi : je veux guérir, cicatriser, je veux retrouver la capacité d’aimer. Ensuite, le discernement doit nous amener à se demander : qu’est-ce qui est juste de faire par rapport à l’autre personne? Prendre le téléphone et lui dire « Ça y est, c’est bon je t’ai pardonné » n’est peut-être pas la meilleure chose à faire. Car la personne n’est peut-être pas prête pour cela, d’autre part elle n’a peut-être pas du tout fait le chemin, et exprimer cela pourrait entretenir des travers qu’on n’a pas du tout envie de cautionner. Le pardon touche le coeur mais se travaille aussi avec la tête, de manière à ne pas nous mettre en danger nous, en nous rendant vulnérable à de nouvelles agressions, et qui ne va pas entretenir l’autre dans des choses qui ne sont pas acceptables. On peut pardonner et aller au tribunal. Ça surprend mais c’est vrai, la différence c’est qu’au tribunal je n’irai pas chercher la vengeance, j’irai chercher la justice parce que c’est socialement important. Ce sont des petites nuances essentielles finalement.

Mon approche est basée sur l’expérience que j’ai vécue au Mexique avec Don Miguel RUIZ. Il ne m’a pas appris à pardonner, il m’a appris à demander pardon. Et ça me parle beaucoup parce que si je me crois habilité à pardonner, dans ma grande bonté, dans ma grande magnanimité, c’est que je me crois habilité à juger. Et pour ceux qui sont proches de la tradition chrétienne, celui qui, sur la croix, a dit : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font », et qui ce faisant, ne s’est pas mis lui-même en position de pardonner, il a fait appel à plus grand que lui, eh bien c’est le même qui ailleurs dans les évangiles dit : « Moi je ne juge pas ». Donc ça veut dire que si je ne juge pas, je n’ai pas à pardonner. Je remets le jugement et le pardon à plus grand que moi. Qui suis-je pour juger? Qui suis-je pour pardonner? Il y a un travail intérieur qui amène un repositionnement du centre de gravité. Le pardon que je transmets est fondé sur l’humilité. Il n’y a pas de pardon avec orgueil, le pardon condescendant qui dégouline sur l’autre, petite chose qui nous est inférieure, je n’y crois pas. Le vrai pardon se fait d’égal à égal, et redonne au mental sa juste place (le mental est un très bon outil, mais un mauvais maître). Ces jugements que l’on porte, 9 fois sur 10 c’est nous qui allons en souffrir. C’est nous que ça va enfermer dans des situations qui vont mettre parfois des décennies à se régler. Donc cette humilité, ce lâcher prise, ce changement de gravité est profondément libérateur.

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Je n’apprends pas à pardonner, mais à demander pardon, qui est une manière de se libérer de ses propres jugements. Vous pourriez me dire « Attends, attends…c’est moi qui est souffert des choses atroces qu’on m’a faites, je ne vais pas en plus demander pardon!? » Ça paraît un peu incohérent comme ça de prime abord, sauf si on commence à creuser un peu : tant qu’on imagine que c’est l’autre qui doit demander pardon et s’excuser, on donne tout pouvoir à l’autre. On va rester dans un statut de victime, de passivité, d’impuissance, et pour peu que l’autre ait eu le mauvais goût de mourir, jamais on va pouvoir guérir et on est condamnés à vivre dans la tristesse ou la haine.

Moi je crois qu’on a une liberté intérieure beaucoup plus grande que ce que l’on imagine. Dans ce renversement de posture qui consiste à demander pardon il y a tout un réalignement intérieur qui se fait entre la tête, le coeur – j’ai envie de dire l’âme, l’esprit – et même le physique. Des choses changent physiquement dans le corps. On sait aujourd’hui que les gens qui ne pardonnent pas se retrouvent avec tout un tas de pathologies qui vont lourdement leur peser puisqu’on estime que c’est 5 à 6 ans de durée de vie qu’on peut perdre si on n’arrive pas à se libérer (ça contracte les vaisseaux, le coeur, ça amène de l’acidité dans l’estomac, ça met des tensions dans la nuque et partout, ça peut favoriser l’apparition de cancers…). Je ne dis pas cela pour culpabiliser les gens qui n’arrivent pas à pardonner, car la plupart du temps c’est parce qu’ils n’ont pas d’outils pour cela. Ils se disent « Peut-être que je devrai pardonner, mais je fais comment? ». L’outil que je transmets, s’il se répand comme une traînée de poudre c’est parce qu’il est simple et efficace. Les gens entrouvrent une porte qu’ils croyaient fermée ou blindée à tout jamais – et en même temps j’insiste toujours en disant que ce n’est pas le seul outil, il n’y a pas de panacée en matière de blessures du coeur comme il n’y en n’a pas pour les blessures du corps ».

Olivier CLERC

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