Le diamant collectif – Albert JACQUARD
« L’éthique, ou la morale, sont des inventions humaines nécessaires pour que la vie humaine consciente soit possible. L’essentiel pour moi c’est la distinction entre les êtres qui sont, et ceux qui se savent être. Nous les hommes, nous savons que nous sommes, et quand on se sait être, on introduit automatiquement une dimension de morale, de jugement. On va dire : ceci est bien, ceci est mal. Mais ça va être évidemment arbitraire. Je suis obligé de reconnaître que les deux existent, mais ce qui est bien pour moi peut être mal pour l’autre. Par conséquent, on ne peut pas prétendre que cette éthique nous est données par la nature. Et toute la vie collective va dépendre de cette affirmation du bien ou du mal.
L’important c’est d’arriver à vivre tous ensemble avec des éthiques différentes, et de collaborer les uns avec les autres. Cela suppose le dégagement d’un espèce de corps dur, central, un diamant qui est le diamant collectif. Ça peut paraître inaccessible, mais la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme a défini ce qui était bien et ce qui était mal dans les rapports entre les humains. En la relisant aujourd’hui, on se dit que ça a été fort bien rédigé. Par conséquent, déjà en l’appliquant ça représenterait un avantage énorme par rapport à la situation actuelle.
Pour des raisons d’efficacité, les sociétés de pointe – la société occidentale en particulier – ont basé leurs recherches d’efficacité sur la compétition. Cette morale collective nous fait croire que l’important dans la vie c’est de l’emporter sur les autres, c’est de lutter, de gagner. Or, un gagnant pour moi c’est un fabricant de perdants. Par conséquent, il faut rebâtir une société humaine où la compétition sera éliminée. Je n’ai pas à être plus fort que l’autre, j’ai à être plus fort que moi grâce à l’autre.
Il faut que chacun essaie d’être cohérent avec lui-même, et c’est à travers cette cohérence avec ce que l’on pense, ce que l’on dit, ce que l’on désire, et aussi ce que l’on fait, qu’on peut aboutir à une société acceptable. »
Albert JACQUARD (1925-2013), Docteur en génétique, auteur et conférencier.
Extraits de l’entrevue réalisée par La lettre du Cadre | Photo : AFP Pierre Verdy
Merci, c’est très juste mais comme on oublie facilement l’être, alors que c’est l'(essence ciel !
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